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BHAGAVAT.

Les yeux clos, ils marchaient aux clartés de leur cœur.
Enfin les lacs sacrés, à l’horizon en flammes,
Resplendirent, berçant des Esprits sur leurs lames.
Dans leur sein azuré, le mont intelligent,
L’immense Kaîlaça mirait son front d’argent
Où siège Bhagavat sur un trône d’ivoire ;
Et les sages en chœur saluèrent sa gloire.



LES BRAHMANES


Kaîlaça, Kaîlaça ! Montagne, appui du ciel,
Des Dieux supérieurs séjour Spirituel,
Centre du monde, abri des âmes innombrables,
Où les Kalahamsas chantent sur les érables ;
Kaîlaça, kaîlaça ! trône de l’Incréé,
Que tu t’élances haut dans l’espace sacré !
Oh ! Qui pourrait monter sur tes degrés énormes,
Si ce n’est Bhagavat, le créateur des formes ?
Nous qui vivons un jour et qui mourrons demain,
Hélas ! Nos pieds mortels s’useront en chemin ;
Et sans doute épuisés de vaine lassitude,
Nous tomberons, vaincus, sur la pente trop rude,
Sans boire l’Air vital qui baigne tes sommets ;
Mais les yeux qui t’ont vu ne t’oublieront jamais !
Les urnes de l’autel, qui fument d’encens pleines,
Ont de moins doux parfums que tes vives haleines ;
Tes fleuves sont pareils aux pythons lumineux
Qui sur les palmiers verts enroulent leurs beaux nœuds ;
Ils glissent au détour de tes belles collines
En guirlandes d’argent, d’azur, de perles fines ;