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L’ARC DE CIVA.


Un Rakças de Lanka, noir comme un ours sauvage,
Les cheveux hérissés, bondit dans le hallier.
Il porte une massue et la fait tournoyer,
          Et sa bouche écume de rage.

En face, roidissant son bras blanc et nerveux,
Le grand Rama sourit et tend son arc qui ploie,
Et sur son large dos, comme un nuage, ondoie
          L’épaisseur de ses longs cheveux.

Un pied sur un tronc d’arbre échoué dans les herbes,
L’autre en arrière, il courbe avec un mâle effort
L’arme vibrante, où luit, messagère de mort,
          La flèche aux trois pointes acerbes.

Soudain, du nerf tendu part en retentissant
Le trait aigu. L’éclair a moins de promptitude.
Et le Rakças rejette, en mordant le sol rude,
          Sa vie immonde avec son sang.

— Rama Daçarathide, honoré des Brahmanes,
Toi dont le sang est pur et dont le corps est blanc,
Dit Lakçmana, salut, dompteur étincelant
          De toutes les races profanes !

Salut, mon frère aîné, toi qui n’as point d’égal !
Ô purificateur des forêts ascétiques,
Daçaratha, courbé sous les ans fatidiques,
          Gémit sur son siège royal.