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ÇUNACÉPA.

L’abeille en bourdonnant s’envole ; et les grands bois,
Épais, mystérieux, pleins de confuses voix,
Où les sages, plongés dans leur rêve ascétique,
Ne comptent plus les jours tombés du ciel antique,
Sentant courir la sève et circuler le feu,
Se dressent rajeunis dans l’air subtil et bleu.
C’est ainsi que l’Aurore, à l’Océan pareille,
Disperse ses rayons sur la terre vermeille,
Comme de blancs troupeaux dans les herbages verts,
Et de son doux regard pénètre l’univers.
Elle conduit au seuil des humaines demeures
Le souci de la vie avec l’essaim des Heures ;
Car rien ne se repose à sa vive clarté.
Seul, dilatant son cœur sous le ciel argenté,
Libre du vain désir des aurores futures,
L’homme juste vers elle élève ses mains pures.
Il sait que la Mâyâ, ce mensonge éternel,
Se rit de ce qui marche et pleure sous le ciel,
Et qu’en formes sans nombre, illusion féconde,
Avant le cours des temps Elle a rêvé le monde.


II


Sous la varangue basse, auprès de son figuier,
Le Richi vénérable achève de prier.
Sur ses bras d’ambre jaune il abaisse sa manche,
Noue autour de ses reins la mousseline blanche,
Et croisant ses deux pieds sous sa cuisse, l’œil clos,
Immobile et muet, il médite en repos.