Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
38
POÈMES ANTIQUES.

Sa femme à pas légers vient poser sur sa natte
Le riz, le lait caillé, la banane et la datte ;
Puis elle se retire et va manger à part.
Trois hommes sont assis aux côtés du vieillard,
Ses trois fils. L’aîné siège à droite, le plus jeune
À gauche. Le dernier rêve, en face, et fait jeûne.
Bien que le moins aimé, c’est le plus beau des trois.
Ses poignets sont ornés de bracelets étroits ;
Sur son dos ferme et nu sa chevelure glisse
En anneaux négligés, épaisse, noire et lisse.
La tristesse se lit sur son front soucieux,
Et, telle qu’un nuage, assombrit ses grands yeux.
Abaissant à demi sa paupière bronzée,
Il regarde vers l’Est la colline boisée,
Où, sous les nappes d’or du soleil matinal,
Les oiseaux pourpre et bleu flambent dans le çantal ;
Où la vierge naïve aux beaux yeux de gazelle
Parle de loin au cœur qui s’élance vers elle.
Mais, de l’aube qui naît jusqu’aux ombres du soir,
Un long jour passera sans qu’il puisse la voir.
Aussi, l’âme blessée, il garde le silence,
Tandis que le figuier murmure et se balance,
Et qu’on entend, aux bords du fleuve aux claires eaux,
Les caïmans joyeux glapir dans les roseaux.


III


Sûryâ, comme un bloc de cristal diaphane,
Dans l’espace azuré monte, grandit et plane.