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POÈMES TRAGIQUES.


Or, en ce temps, voici que, par un ciel fort noir
Qui verse le silence à la maison sacrée,
L’Abbesse Alix préside à l’office du soir.

Un vieux moine, front ras et face macérée,
Se prosterne à l’autel et baise les pieds blancs
De la très sainte Vierge auguste et vénérée.

Lampes, cierges, flambeaux, jettent leurs feux tremblants
Sur les murs où, d’après les mœurs orientales,
Les Martyrs, sur fond d’or, s’alignent tout sanglants.

Pour l’Abbesse et ses sœurs, assises dans leurs stalles,
Elles déroulent un murmure lent et doux
Que le signe de Croix coupe par intervalles ;

Puis toutes à la fois se courbent à genoux
Sur le pavé luisant que les lueurs bénies,
Du Sanctuaire au seuil, rayent de reflets roux.

Elles chantent en chœur les saintes litanies
À la Dame du ciel debout sur le croissant
De la lune, au plus haut des voûtes infinies.

Brusquement, dans la nuit calme, un cri rugissant
Éclate, et se prolonge autour du moutier sombre,
Et l’écho du Carmel le roule en l’accroissant.

Les bandits du désert, qui pullulent dans l’ombre,
Escaladent les murs, rompent les lourds barreaux,
Bondissent dans la crypte, et leur foule l’encombre.