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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Le vieux moine égorgé saigne sur les carreaux.
L’un saisit l’ostensoir, l’autre le Christ d’ivoire
Et la nappe, et ceux-ci descellent les flambeaux ;

Cet autre boit le vin consacré du ciboire,
Et cent autres, avec des cris luxurieux,
Emportent leur butin vivant dans la nuit noire.

Puis, en longs tourbillons qui rougissent les cieux,
Des quatre coins du saint moutier, d’horribles flammes
Grondent, l’enveloppant d’un linceul furieux.

Pour les Nonnes, en proie aux outrages infâmes,
Les unes, se lavant des souillures du corps,
Ont dans ce feu sauveur purifié leurs âmes.

D’autres, tordant leurs cous avec de vains efforts,
Entre les bras de fer qui les ont enchaînées,
S’en vont pour un destin pire que mille morts.

Elles vivront, traînant de sinistres années,
Oublieuses du Ciel à tout jamais perdu,
Et dans l’ardente nuit s’engloutiront damnées.

Alix ! Alix ! à qui cet honneur était dû
De monter vers ton Dieu par la voie éclatante
Du martyre, hélas ! Dieu n’a-t-il rien entendu ?

Tes cris d’horreur, ni ta prière haletante ?
Non ! Les cieux étaient sourds, ô vierge, à ton appel,
Et la mort glorieuse a trompé ton attente.