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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


— Ma haine est sans merci pour tous, ma rage écume,
Et mon cœur monstrueux fait sa félicité
Des membres que je tranche ou que le feu consume.

J’aime l’horrible cri mille fois répété
Du païen torturé, du Juif qu’on écartelle.
Reconnais-moi, Magnus, je suis ta Cruauté ! —

Le troisième Démon, spectre d’une horreur telle
Que Gomorrhe en a seule entrevu d’approchant,
Se révèle dans son infamie immortelle.

Larve, chacal, crapaud, vil, immonde et méchant,
Suant l’obscénité sans honte et sans mesure,
Il se dresse, se tord, et bave en se couchant.

Chacun de ses regards est une flétrissure,
Son aspect souillerait la splendeur du ciel bleu :
— Reconnais-moi, Magnus ! Vois ! je suis ta Luxure ! —

Le vieux duc gronde et dit : — Par Satan, ou par Dieu !
La vision de ces trois monstres est fort laide ;
Mais suis-je donc un pleutre à trembler pour si peu ?

Est-ce à moi de blêmir et de crier à l’aide
Quand un spectre de nonne une nuit m’apparaît ?
Le réveil va chasser le songe qui m’obsède. —

— Magnus ! Magnus ! le feu dévorateur est prêt :
L’opale coule autour de ton doigt qu’elle enflamme.
Oh ! Repens-toi ! Préviens l’irrévocable Arrêt. —