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POÈMES TRAGIQUES.


— Non ! dit Magnus. Pourquoi Dieu m’a-t-il forgé l’âme
De façon qu’elle rompe et ne puisse ployer ?
Puisqu’il l’a faite ainsi, qu’il en porte le blâme ! —

Il dit cela ! La gueule immense du foyer
S’embrase plus béante, et plus rouge flamboie ;
Et les souches de chêne y semblent tournoyer.

Une Griffe en jaillit, avide de sa proie,
Saisit l’homme à la gorge irrésistiblement,
Et rentre, au rire affreux de l’infernale joie.

Le roc tremble. La foudre, en un rugissement,
Éclate. Le donjon, comme une nef qui sombre,
Tressaille, se lézarde, et croule tout fumant.

Et c’est pourquoi, depuis, après des ans sans nombre,
Quand souffle, aux nuits d’hiver, l’ouragan furieux,
On voit, sur le rocher où gît l’ancien décombre,

Errer un grand Chien noir qui hurle aux mornes cieux.