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POÈMES TRAGIQUES.


Don Simuel Lévi se ronge l’âme, et sue
De peur. Ses biens saisis, sa maison mise à sac,
Et lui sous le couteau, voilà ! Donc, point d’issue.
Il n’a plus de recours qu’en toi, Dieu d’Isaac !

Entre temps, échappé des sanglantes tueries,
L’émyr Abou-Sayd, à travers la sierra,
Suivi de mulets lourds d’or et de pierreries,
Vaincu, détrôné, fuit Grenade et le Hammrâ.

Si don Pedro l’accueille, et consent, et s’oblige
À lui rendre ce peu de l’Empire ancien,
Abou-Sayd sera, par un hommage lige,
Le dévoué vassal de Castille et le sien.

Dix mille cavaliers des tribus Almohades
Passeront le détroit à son commandement,
Sobres, braves, rompus aux promptes algarades,
Et serviront le Roi chrétien fidèlement.

De plus, puisque le fer et la flamme font rage
Aux frontières, en foi de sa haute amitié,
Que sa Grâce des biens arrachés au naufrage
Comme un don de respect reçoive la moitié.

Abou-Sayd en prend à témoin le Prophète.
Se fiant par surcroît au sauf-conduit royal,
Il est venu, devant que la chose soit faite,
Se mettre entre les mains d’un chevalier loyal.