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POÈMES TRAGIQUES.

        

Enfonce cette tourbe horrible où tu te rues,
        Frappe, redouble, saigne, mords !
Vide sur eux palais, maisons, temples et rues :
        Que les mourants vengent les morts !

Non, non ! Tu ne dois pas tomber, Ville sacrée,
        Comme une victime à l’autel ;
Non, non, non ! Tu ne peux finir, désespérée,
        Que par un combat immortel.

Sur le noir escalier des bastions qu’éventre
        Le choc rugissant des boulets,
Lutte ! Et rugis aussi, lionne au fond de l’antre,
        Dans la masure et le palais.

Dans le carrefour plein de cris et de fumée,
        Sur le toit, l’Arc et le clocher,
Allume pour mourir l’auréole enflammée
        De l’inoubliable bûcher.

Consume tes erreurs, tes fautes, tes ivresses,
        À jamais, dans ce feu si beau,
Pour qu’immortellement, Paris, tu te redresses,
        Impérissable, du tombeau ;

Pour que l’homme futur, ébloui dans ses veilles
        Par ton sublime souvenir,
Raconte à d’autres cieux tes antiques merveilles
        Que rien ne pourra plus ternir,