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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/135

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sacatove

fusils, des couteaux à cannes, des barils de lard salé, des sacs de riz, de sucre et de café, des vêtements de toutes sortes, des marmites et des casseroles encombraient cette antichambre ou plutôt ce corps de garde de la caverne. En tournant un peu sur la droite et en soulevant une tenture de soie jaune de l’Inde, on pénétrait dans l’autre partie. Là brûlaient cinq ou six grandes torches de bois d’olive, dont les reflets rouges jouaient bizarrement sur les étoffes de couleur dont on avait tendu les parois du rocher. Chaises, fauteuils et divans meublaient cet étrange salon ; et, nonchalamment courbée, au fond, sur une riche causeuse bleue, vêtue de mousseline, calme et immobile, quoiqu’un peu pâle, dormait ou feignait de dormir une jeune fille blanche. À quelques pas d’elle, appuyé sur un long bâton ferré, Sacatove la contemplait avec sa physionomie insouciante et douce, en cambrant son beau torse nu.

La jeune fille fit un mouvement et ouvrit de grands yeux bleus. Sacatove s’approcha sans bruit et, se mettant à genoux devant elle, lui dit avec un accent de tendresse craintive :

— Pardon, maîtresse !

Elle ne répondit pas, et lui jeta un regard froid et méprisant.

— Pardon ! je vous aimais tant ! Je ne pouvais plus vivre