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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/158

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dianora


Bonaccorso, tout entier aux premiers enivrements de son mariage, semblait avoir oublié son ancien ami. Cependant, comme il persécutait sa femme de sa tendresse et que depuis quelque temps elle lui témoignait presque de l’aversion, il commença de s’inquiéter de ses fréquentes sorties. Sans suspecter Puccinelli, dont il ignorait le retour à Lucques, plus que tout autre cavalier, il ne laissa donc pas de surveiller les démarches de Dianora ; mais il semblait que celle-ci eût à ses ordres un démon familier qui l’avertît des intentions de Bonaccorso, car jamais les deux amants ne furent surpris en compagnie l’un de l’autre. Le mari jaloux la suivit un jour jusqu’au seuil de la petite maison dont nous avons parlé, attendit quelque temps dehors et entra soudain. Dianora était tranquillement assise au chevet d’une vieille femme malade ou feignant de l’être. Nous laissons à penser si elle se montra courroucée des soupçons injurieux de son mari, lequel lui jura, très honteux, qu’il ne douterait jamais plus d’elle.

Sur ces entrefaites, les beaux jours étant venus, et toutes les familles nobles et riches de Lucques se retirant à la campagne, Bonaccorso fit part à Dianora du dessein où il était de l’emmener dans un château qu’il possédait, à trois lieues de la ville, au pied de l’Apennin. Dianora résista longtemps sous différents prétextes ; mais à la fin, craignant