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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/159

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dianora

de corroborer les soupçons qu’elle avait excités dans l’esprit de son mari, elle donna connaissance de cet incident à Puccinelli, et partit peu de jours après. Le château des Cenami, fortifié comme tous ceux de l’époque, s’adossait contre la montagne, mais sa tour principale surplombait les rochers du Serchio, torrent rapide de l’Apennin, et dont les eaux rapides roulaient à cinquante ou soixante pieds de profondeur. Les fondements du château s’élevaient donc sur les bords de cet abîme. Or, des larges embrasures de la maîtresse-tour, non seulement l’œil embrassait le lit profond du torrent, mais encore, comme l’eau avait ruiné le rocher de ce côté, il était facile de laisser tomber un corps quelconque de la tour dans le gouffre. Ceci importe à la compréhension de ce qui va suivre. C’est là que Bonaccorso conduisit Dianora.

Toutes les distractions, tous les amusements imaginables lui furent prodigués. Tantôt c’était la chasse aux hérons dans les marais de la plaine ; tantôt la chasse aux cerfs dans la forêt voisine. Bonaccorso avait convié plusieurs seigneurs et dames de Lucques, croyant plaire à sa jeune femme ; mais rien ne faisait à la mélancolie de celle-ci qui en était arrivée à ne pouvoir plus supporter les liens qui l’unissaient à Cenami. Ce dernier, ne sachant à quelle cause attribuer la tristesse de sa femme, multipliait ses efforts, mais vainement. Cependant une grande chasse eut bientôt lieu dans la forêt. Tous les