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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/162

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dianora

que de moi. Nous sommes donc seuls, Madame, Que votre amant se montre, s’il n’est pas un lâche. Un de nous deux doit mourir et sera jeté dans le Serchio. Que je succombe ou que je triomphe, vous serez délivrée de ma vue ; car, dans ce dernier cas, j’ai l’intention d’aller servir le roi Philippe de France, et de fuir l’Italie pour jamais.

Dianora ne répondit rien ; mais en ce moment le prie-Dieu fut repoussé et Puccinelli se dressa devant Bonaccorso, pâle de rage et l’épée à la main.

— C’est toujours toi, Pierre, dit Bonaccorso avec calme.

— Voici ta dernière heure, murmura Puccinelli. Défends-toi !

— Ma cause est sainte et juste, Pierre, et tu as deux crimes sur la conscience, un premier meurtre et l’adultère. Ne trembles-tu pas d’affronter le jugement de Dieu ?

— Je tremble que tu ne m’échappes, Bonaccorso.

— En garde donc ! et que Dieu protège le bon droit !

Les deux gentilshommes s’attaquèrent. Ce ne fut point d’abord une lutte aveugle. Leur haine mutuelle faisait qu’ils ménageaient leurs forces. Habiles qu’ils étaient, maîtres d’eux-mêmes et sachant qu’une mort certaine serait le prix d’un moment d’oubli ou de précipitation, ils suivaient d’un œil calme et vigilant les rapides mouvements de leurs épées. Les coups et les parades se succédaient avec promptitude,