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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/167

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dianora

de se lever ; elle fit plusieurs pas avec une action fiévreuse ; puis elle entendit le pas d’un homme dans l’escalier, et courut à la porte avec un sourire de joie. Un étranger entra. Comme il était couvert d’un large et long manteau, elle crut que c’était Puccinelli, et lui dit tendrement :

— C’est mal à vous, Pierre, d’être venu si tard.

— Ce n’est pas Pierre de Puccinelli, répondit l’étranger en se découvrant la figure : c’est moi.

— Et qui êtes-vous, seigneur ? s’écria-t-elle en reculant avec effroi.

— Je suis Lorenzo de Cenami, le frère de votre époux, Madame. J’ai appris le malheur commun qui nous a frappés tous deux, moi, dans mon amitié fraternelle, vous, dans votre amour, et je viens vous saluer et pleurer avec vous.

Aux premiers mots de Lorenzo, Dianora, se sachant coupable, avait frémi d’épouvante, mais les dernières paroles du nouveau venu l’avaient rassurée. Elle porta la main à ses yeux, et feignit de pleurer en disant :

— Ah ! seigneur Lorenzo, c’est un bien grand malheur en effet.

— Sans doute, Madame et chère sœur. Aussi ai-je cru que la vue d’un frère qu’a si vivement aimé notre Bonaccorso serait un adoucissement à vos peines cruelles.