loir escalader la fenêtre de ma fille ? Écoute, mon garçon, ce soir, tu viendras veiller dans ma chambre, et tu auras soin de charger ma carabine à chasser le cabri. S’il reparaît, je le tue comme un chien enragé. C’est entendu. Donne-moi du feu. Mène la bande à la caférie. Tu es un bon commandeur et un bon serviteur, Job. Ne parle pas de tout ceci à M. de Gaucourt ; il serait capable de faire sentinelle et de pourfendre le premier venu à l’aveugle. Après tout, tu t’es peut-être trompé. Enfin, nous verrons.
Job quitta son maître, qui se remit à fumer de plus belle.
L’habitation de Villefranche, comprise du nord au sud entre les ravines de Saint-Gilles et de Bemica, était bornée, dans sa partie basse, par la route de Saint-Paul à Saint-Leu, qui séparait les terres cultivées de la savane du Boucan-Canot. C’était une vaste lisière qui, d’après la concession faite au premier marquis de Villefranche, devait s’étendre de la mer aux sommets de l’île ; mais les défrichements s’étaient arrêtés à cette époque bien au-dessous de la limite où ils sont parvenus aujourd’hui ; la forêt du Bernica couvrait alors de son abondante et vierge parure les deux tiers de la concession. L’emplacement où s’élevait la demeure du marquis était situé sur la cime aplanie d’un grand piton, d’où la vue embrassait la baie de Saint-Paul, la plaine des Galets et les