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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/19

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XIX
préface

fournit des indications particulièrement intéressantes sur la façon dont Leconte de Lisle travaillait, sur le procédé par lequel il mêlait, aux fantaisies de son imagination, tantôt l’érudition, tantôt des observations directes. Et d’abord il convient de noter à quel point le décor de l’Île Bourbon, où il fait mouvoir ses personnages, est peint avec exactitude. Cela commence par l’espèce d’acte d’adoration du créole exilé pour ce vaste tableau où resplendissent, aux premières lueurs du soleil, cette ardente, féconde et magnifique nature, qu’il n’oubliera jamais. Puis s’accumulent les détails précis sur la partie de la forêt du Bernica « qui est cultivée » aussi bien que sur la « libre étendue que couvre encore une abondante et vierge parure » où l’on voit la route de Saint-Paul à Saint-Leu « qui sépare les terres, de la savane de Boucan-Canot ».

En ce qui concerne l’anecdote même qui est la trame de Marcie, il est difficile de démêler si l’écrivain l’attribue aux véritables acteurs du drame ou à des prête-noms. Ceci est sûr : en sa qualité de colonial, Leconte de Lisle s’était minutieusement intéressé à l’histoire de la conquête et de l’organisation de « l’Inde française » sur laquelle, dix ans après la publication de ce conte, il écrira une longue étude où il caractérisera, en historien, les rôles de La Bourdonnais et de Dupleix.

Sans doute est-ce dans les lectures qu’il fit à ce sujet qu’il rencontra l’épisode romanesque, qui est à l’origine de sa nouvelle et qui met en scène une mésalliance : le mariage d’un Rabastens, marquis de Villefranche, avec une jeune bourgeoise Arménienne, échappée au massacre de Madras.

Leconte de Lisle n’avait qu’à regarder tout près de soi pour étudier les effets d’une telle fantaisie amoureuse. Elle était, on le sait, fort en désaccord avec les habitudes du milieu où il vivait :

« Cette union, dit-il dans Marcie, mécontenta M. de Villefranche, le père, mais il finit par la sanctionner comme il est