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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/20

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XX
préface

d’usage. De ce mariage insolite entre l’héritier des Rabastens et la fille d’un marchand arménien de Madras, résulta la naissance d’une enfant. »

Cette enfant est Marcie.

De même façon, Leconte de Lisle se connaissait-il un oncle, le fils de sa propre grand’mère maternelle, un marquis de Lanux qui, rompant avec les préjugés créoles, avait épousé une mulâtresse. De ce mariage, qui avait jeté un froid entre les deux branches de la famille, était née cette fille, Mlle de Lanux, qui réunissait les séductions des deux races, et que le poète a chantée dans des vers qui dureront autant que la langue française[1]

Doit-on conclure de là que Leconte de Lisle ait cherché à se représenter lui-même dans ce Georges Fleurimont qui épie le passage de Mlle de Villefranche, avec un amour à la fois timide et furieux ?

Physiquement, moralement, socialement parlant, il semble bien que ce soit en effet à lui-même que Leconte de Lisle ait songé ici. Comment Fleurimont est-il peint ? Il a « de grands yeux bleus, le front large, les lèvres fines et les cheveux blonds ». Ses gestes sont ceux d’un poète : « Il s’assoit au penchant du précipice, pose son front entre ses mains et reste immobile. » Psychologiquement on nous le montre « orgueilleux et indolent ». Pour sa passion : « elle est d’autant plus violente que sa nature normale est apathique ». Des désirs inassouvis le dévorent : « Si Marcie de Villefranche avait pu deviner que cet homme pâle qu’elle rencontrait si fréquemment dans ses promenades et qui, à sa vue, se hâtait de fuir ou de se cacher pour la suivre à la dérobée, nourrissait pour elle un amour sauvage qu’il ne pouvait contenir, à coup sûr elle se fût gardée d’affronter un danger devenu terrible ; mais à peine la fière créole avait-elle prêté une atten-

  1. Voir Le Manchy ; et : L’Illusion suprême (Poèmes barbares).