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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/220

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la rivière des songes

hagard, les mains étendues et le corps pétrifié. Nousn’essaie- rons pas de le nier voici un affreux dénouement ; mais du moins on nous rendra la justice de dire que nous l’avons rapidement esquisse et rien de plus.

Édith, — si elle n’est déjà morte, — mourra comme Ophélie. Elle se promène trop souvent sur la Rivière des Songes, dans la yole où Georges lui a dit qu’il l’aimait. La rivière est peu profonde, mais il y a place sous les Songes verts pour une frêle jeune fille dont l’esprit est parti pour la sphère où s’est envolée l’âme de Georges. Dans les éclaircies d’herbes et de fleurs que sillonne la yole, on voit trop souvent le ciel, et le ciel est plus beau que la terre, et il est d’usage que les amants malheureux s’y rendent par la route la plus courte qui est celle de l’eau, quand cette dernière est trans- parente et que le ciel est pur. Édith mourra comme Ophélie. C’est une fin charmante. Meurs donc comme ta pâle sœur du Nord, ô blanche enfant du Midi. Il est beau de quitter la terre, jeunes, innocentes et belles comme vous.