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la princesse yaso'da

souvenir du jeune guerrier, des larmes argentaient les cils de Yaso’da ; ses compagnes les essuyaient de leurs lèvres, mais elle pleurait toujours.

Bientôt elle dit : Tamaya ! Tamaya !

Mais il ne répondait pas, étant loin. — Une compagne de Yaso’da, voulant flatter sa douleur, parla ainsi : — Tamaya était comme un tigre rayé ; sa force étant grande. Quand sa lance de bambou tremblait dans sa main, les hommes étaient pâles !

Une autre compagne de Yaso’da dit : — Tamaya était beau comme le soleil ; mais la flamme de ses yeux brûlait doucement le cœur des vierges. Quand il les regardait, elles rougissaient comme la neige au lever du jour.

Une troisième reprit : — Tamaya était léger et ses jarrets ne se lassaient point. Quand il poursuivait la gazelle et l’antilope dans les bois, son pied pressait leurs pieds et son souffle échauffait leurs croupes. Alors la princesse Yaso’da s’écria en pleurant : — Tamaya, Tamaya !

Si bien que le démon Hyayagriva l’entendit de la cime blanche du Jougando. Il regarda au fond de la vallée et vit Yaso’da et ses compagnes qui pleuraient. Or, le naturel du démon était méchant ; c’est pourquoi il lui vint en tête de causer une grande douleur au saint roi, en lui enlevant sa fille bien-aimée. Mais il fallait qu’elle le suivît de bonne