Aller au contenu

Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
la mélodie incarnée


CARL.

Qui plus est, il y avait un petit lac ombragé de grands saules, que le vent du matin faisait doucement gémir, et bordé de roseaux verdoyants qui trempaient nonchalamment leurs têtes d’émeraude dans l’eau argentée.

GEORGE.

Toute la vallée était baignée d’une atmosphère humide et transparente, à travers laquelle les arbres adoucissaient leurs masses de feuillage et s’estompaient légèrement d’azur. La nature s’éveillait en souriant dans sa grâce et dans sa beauté toujours vierges. Samuel se laissa tomber au pied d’un chêne, passa, en s’accoudant, la main dans ses cheveux, fixa les yeux au ciel et resta immobile et silencieux. Cette contemplation matinale n’entrait pour rien dans ses manières d’être et d’agir ; le seul horizon qu’il connût parfaitement se bornait aux quatre murs badigeonnés de sa chambre, et les seuls bruits dont son oreille eût été flattée jusqu’à cette heure n’étaient autres que les déchirants accords de son violon. D’où provenait donc cette excentricité de Samuel ? Question profonde ! comme dit un grand poète français, en guise de conclusion, à la fin de ses pièces de vers philosophiques. Peu à peu les rumeurs joyeuses du jour se multiplièrent insensiblement ; la lumière pénétra plus chaude sous les feuilles,