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L’APOLLONIDE.

Dans l’antre de Makra cet enfant vit le jour
Et des bras maternels fut ravi sans retour.


IÔN.

Est-il mort ?


KRÉOUSA.

                     Je ne sais s’il vit. Ô chère image !
Il te ressemblerait, il aurait le même âge.


IÔN.

Apollôn fut injuste, et je dis hautement
Qu’il est mal, homme ou Dieu, de trahir son serment.
Mais ne reprochons rien aux Daimones sublimes :
Ils ne consentent point qu’on révèle leurs crimes,
Et les biens qu’on poursuit contre leur volonté
Mêlent plus d’amertume à notre adversité.


KRÉOUSA, à part.

Si ma bouche se tait, qui tarira mes larmes ?

À Iôn.

Mais, Étranger, j’entends le bruit strident des armes.
On approche. Voici Xouthos, mon noble époux.
Ne dis rien de ceci, car les Rois sont jaloux
Et confondent souvent, dans nos âmes blessées,
Les coupables secrets et les bonnes pensées.