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L’APOLLONIDE.

PREMIER JUGE.

                                            Certe, il respira encore.
Loxias l’a gardé de son vil assassin,
Et l’horrible liqueur n’a point brûlé son sein ;
Mais Némésis commande et veut une victime.


KRÉOUSA.

Je te rends grâce, ô Dieu, qui m’épargnes un crime !
Laissez là ce vieillard, il n’a fait qu’obéir,
Et, si je n’étais Reine, il m’en faudrait punir.
C’est moi, moi seule, hélas ! qui, dans ma noire envie,
De l’Ephèbe innocent voulais trancher la vie !
Mais puisque Loxias nous a sauvés tous deux,
Moi de ce crime et lui d’un destin malheureux,
Puisqu’il respire encor, c’est bien !


PREMIER JUGE.

                                                       Femmes, nous sommes
Établis par les Dieux sur les Rois et les hommes.
Viens ! L’Érinnys qui suit les meurtriers sanglants
Se rit des sceptres d’or et des fronts insolents ;
Et, les déracinant de leur orgueil superbe,
Elle les foule aux pieds comme la fange et l’herbe.
Coupable, tu seras frappée, et tu mourras.


KRÉOUSA.

Mourir ! Et de vos mains ? Vous ne l’oseriez pas !
Le peuple d’Athèna, par la lance et l’épée,