Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



SIXIÈME STATION


Une femme pieuse essuie le visage de Jésus.



Non loin de l’angle obscur où gémissait Lazare
Devant le mauvais riche et son festin avare,
Debout au seuil étroit de son humble maison
Se tenait Bérénice au long voile, au doux nom ;
Ignorant qu’entraîné sur la route mortelle,
Le Sauveur, pour mourir, dût passer devant elle,
Et recueillir enfin, dans ce suprême jour,
Pour l’emporter aux cieux, l’obole de l’amour.
Mais quand elle le vit, chargé de flétrissures,
Rougissant son chemin de ses mille blessures,
Levant au ciel des yeux toujours calmes et doux,
Traînant l’arbre fatal sous l’injure et les coups
Sans qu’une main amie allégeât son supplice,
Tout son cœur se brisa ! — Tu courus, Bérénice !
Tes faibles bras, roidis par ton saint dévouement,
Écartèrent les flots de ce peuple écumant ;
Parmi les cavaliers qu’irrite ton audace,
Ardente, irrésistible enfin, tu te fais place !