Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suffisent à la démonstration d’une vérité admise par tout esprit libre d’idées reçues sans contrôle et de préventions aveugles. L’art antique, lui seul, en est une révélation permanente. Je me bornerai donc au monde de l’art.

La poésie est trois fois générée : par l’intelligence, par la passion, par la rêverie. L’intelligence et la passion créent les types qui expriment des idées complètes ; la rêverie répond au désir légitime qui entraîne vers le mystérieux et l’inconnu. Aussi l’Antiquité, libre de penser et de se passionner, a-t-elle réalisé et possédé l’idéal que le monde chrétien, soumis a une loi religieuse qui le réduisait à la rêverie, n’a fait que pressentir vaguement. C’est donc dans ses créations intellectuelles et morales qu’il faut constater la puissance de la poésie grecque. Or, les deux épopées ioniennes, le Prométhée, l’Œdipe, l’Antigone, la Phèdre, contiennent, à mon sens, ce qui sera éternellement donné à l’esprit humain de sentir et de rendre ; et il en serait de même des Itihaças hindoues, rattachées si étroitement à l’œuvre homérique par le lien des traditions communes, si elles réunissaient au même degré l’ordre, la clarté et, l’harmonie, ces trois qualités incomparables du génie hellénique.

Les figures idéales, typiques, que celui-ci a conçues, ne seront jamais ni surpassées ni oubliées. Elles ne pourront qu’être reproduites avec des atténuations nécessaires. Depuis, il n’y a rien d’égal. Le monde moderne, il est vrai, a créé la Vierge, symbole de pureté, de grâce et surtout de bonté, qui est la plus excellente des vertus ; mais cette protestation du sentiment féminin ne tient plus à la terre, et fait maintenant partie du dogme. Je l’appelle