Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du poète plonge en des cercles infernaux encore inexplorés, et ce qu’il y voit et ce qu’il y entend ne rappelle en aucune façon les romances à la mode. Il en sort des malédictions et des plaintes, des chants extatiques, des blasphèmes, des cris d’angoisse et de douleur. Les tortures de la passion, les férocités et les lâchetés sociales, les âpres sanglots du désespoir, l’ironie et le dédain, tout se mêle avec force et harmonie dans ce cauchemar dantesque troué çà et là de lumineuses issues par où l’esprit s’envole vers la paix et la joie idéales. Le choix et l’agencement des mots, le mouvement général et le style, tout concorde à l’effet produit, laissant à la fois dans l’esprit la vision de choses effrayantes et mystérieuses, dans l’oreille exercée comme une vibration multiple et savamment combinée de métaux sonores et précieux, et dans les yeux de splendides couleurs. L’œuvre entière offre un aspect étrange et puissant, conception neuve, une dans sa riche et sombre diversité, marquée du sceau énergique d’une longue méditation.

En dernier lieu, si l’on constate que l’auteur de ces poésies originales transporte aisément dans sa prose, avec une nouvelle intensité de finesse et de clairvoyance, la plupart des qualités qu’il déploie dans le maniement de la langue poétique, on reconnaîtra que beaucoup de choses excessives devront lui être pardonnées, parce qu’il aura exclusivement aimé le beau, tel qu’il le conçoit et l’exprime en maître.

________