Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/308

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justement critiquée par Gœthe, restera une vivante reconstruction archéologique et historique, telle que Victor Hugo l’a conçue et voulue, et quelles que soient les différentes façons de concevoir et de reproduire, dans une invention romanesque, les mœurs, les caractères, la vie des hommes du quinzième siècle, au moment de leur histoire choisi par l’auteur. Peut-on oublier désormais tant de pages éclatantes, tant de scènes terribles ou touchantes, tant de figures à jamais vivantes, Claude Frollo, Quasimodo, la Sachette, Esmeralda, Louis XI, la fourmillante Cour des Miracles, l’assaut épique de la vieille cathédrale par les Truands ? Cette langue si neuve, si riche et si précise, ces figures, ces péripéties dramatiques, ces noms ne sortiront plus de notre mémoire ; la vision du poète est devenu la nôtre.

L’autre épopée, les Misérables, fut écrite à une époque plus avancée de sa vie, durant les années de l’exil, années immortelles qui ont produit tant de chefs-d’œuvre, où sa pensée se dirigea plus spécialement vers la destinée faite aux déshérités et aux victimes de la civilisation ; où, du haut du rocher de Guernesey, illustre désormais, il répandit sur le monde, en paroles enflammées, ses protestations indignées, ses appels multipliés au droit, à la justice, à la liberté ; où il stigmatisa, dans le présent et dans l’avenir, tous les attentats, toutes les tyrannies, toutes les iniquités. Un immense succès accueillit ce livre puissant, sorte d’encyclopédie où les questions sociales, la psychologie, l’histoire, la politique, concourent au développement de la fable romanesque et s’y mêlent en l’interrompant par de fréquentes digressions et de formidables