Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/12

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ractérise, dans aucune littérature ancienne ou moderne, et qui a rendu à la poésie française, avec plus de richesse, de vigueur et de certitude, les vertus lyriques dont elle était destituée depuis deux siècles. Ma profonde admiration suppléera, je l’espère, à la faiblesse de mes paroles.

Messieurs, l’avènement d’un homme de génie, d’un grand poète surtout, n’est jamais un fait spontané sans rapports avec le travail intellectuel antérieur ; et s’il arrive parfois que la Poésie, cette révélation du Beau dans la nature et dans les conceptions humaines, se manifeste plus soudaine, plus haute et plus magnifique chez quelques hommes très rares et d’autant vénérables, une communion latente n’en relie pas moins, à travers les âges, les esprits en apparence les plus divers, tout en respectant le caractère original de chacun d’eux. Si la nature obéit aux lois inviolables qui la régissent, l’intelligence a aussi les siennes qui l’ordonnent et la dirigent. L’histoire de la Poésie répond à celle des phases sociales, des événements politiques et des idées religieuses ; elle en exprime le fonds mystérieux et la vie supérieure ; elle est, à vrai dire, l’histoire sacrée de la pensée humaine dans son épanouissement de lumière et d’harmonie.

Aux époques lointaines où les rêves, les terreurs, les passions vigoureuses des races jeunes et naïves jaillissent confusément en légendes pleines d’amour et de haine, d’exaltation mystique ou héroïque, en récits terribles ou charmants, joyeux comme l’éclat