Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/40

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Homme, si le cœur plein de joie ou d’amertume,
Tu passais, vers midi, dans les champs radieux,
Fuis ! La nature est vide et le soleil consume,
Rien n’est vivant ici, rien n’est triste ou joyeux ;

Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l’oubli de ce monde agité,
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,

Viens ! Le soleil te parle en paroles sublimes !
Dans sa flamme implacable, absorbe-toi sans fin,
Et retourne à pas lents vers les cités infimes
Le cœur trempé sept fois dans le néant divin.


Quand on a écrit les Feuilles d’automne, les Chants du crépuscule, les Rayons et les Ombres, et qu’on entend tout à coup des vers comme ceux-là, on tressaille dans toutes ses fibres de poète, on reconnaît un frère, je ne dis pas un fils, car vous n’êtes né de personne, et l’on dit au passant qui vient de vous initier et qui est certainement parmi ceux qui nous écoutent aujourd’hui : « En savez-vous d’autres ? »

Le jeune homme en savait beaucoup d’autres ; il laissa tomber goutte à goutte, comme des perles, dans l’azur, l’or et les diamants de cette éclatante journée, des fragments de Çunacépa, de la Vision de Brahma, de la Robe du Centaure, d’Hélène, de Khiron, d’Hypathie et Cyrille. Victor Hugo demanda au jeune homme comment et peut-être pourquoi il avait appris tant de vers de vous. Le jeune homme entra alors dans les détails de la vie de ce poète nouveau, indépendant, sauvage, et même un peu