Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/63

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famille naturelle du grand écrivain, je suis un peu de sa famille volontaire, acquise. Il y a entre lui et moi quelque chose qui n’existe pour aucun de nos confrères. J’étais tout enfant quand je l’ai connu ; ses fils, plus jeunes que moi, l’un de deux ans, l’autre de quatre, étaient mes camarades ; ils venaient quelquefois passer leur dimanche chez moi, non sans que leur mère s’en inquiétât. Elle craignait pour eux la grande liberté dont j’ai joui, de trop bonne heure peut-être, mais qui m’a appris beaucoup de choses, bonnes à savoir, que je n’aurais peut-être pas sues sans cela, et qui ne sont pas toutes dans les livres. Ceux qui lisent savent beaucoup ; ceux qui regardent savent quelquefois davantage. Tel que vous me voyez, Monsieur, à vingt ans, je donnais déjà de bons conseils aux fils de Victor Hugo. J’ai toujours été sermonneur ; je commence seulement à l’être un peu moins ; je m’aperçois que cela ne sert à rien. De plus, l’auteur d’Hernani et l’auteur d’Henri III étaient restés amis, quoique confrères, et l’on retrouverait dans la biographie de l’un par un témoin oculaire de sa vie, et dans les mémoires de l’autre, des témoignages de cette bonne confraternité et de cette amitié sincère. Ils sont nés la même année ; ils ont connu les mêmes misères, ils ont arboré le même drapeau ; ils ont soutenu les mêmes luttes ; ils ont tenté la même révolution dramatique, l’auteur d’Henri III un peu plus tôt que l’auteur d’Hernani. Parmi mes livres précieux, j’ai un exemplaire de