Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pensée et à la réalisation de leur rêve ? Il n’admettait donc pas qu’il pût être enfermé dans des formes de gouvernement et de culte où il n’eût pas le droit de tout dire et chance d’être ainsi le premier et même le seul. Il a répudié la Monarchie et le Catholicisme, parce que, dans ces deux formes sociale et religieuse de l’État, il aurait toujours eu inévitablement quelqu’un au-dessus de lui. Il eût accepté la monarchie s’il avait pu arriver à être roi : il eût persévéré dans le catholicisme, s’il avait pu arriver à être Pape, à réunir en lui le Pape et l’Empereur, ces deux moitiés de Dieu, comme il dit dans Hernani.

Suivons-le dans le développement logique de son idéal terrestre. A la fin de la préface de Marion de Lorme, il dit : « Pourquoi ne viendrait-il pas un poète qui serait à Shakespeare ce que Napoléon est à Charlemagne. » Il n’en est déjà plus à Chateaubriand dont la gloire commence à lui paraître bien pâle ; et le voilà qui tente l’ascension vers Shakespeare, en même temps qu’il établit un rapprochement entre ce Charlemagne qu’il vient de glorifier sur la scène et ce Napoléon qu’il a commencé par appeler Buonaparte et dont il avait dit, en des vers admirables :

Il fallut presque un Dieu pour consacrer cet homme ;
Le Prêtre monarque de Rome
Vint bénir son front menaçant ;
Car, sans doute, en secret, effrayé de lui-même,
Il voulait recevoir son sanglant diadème
Des mains d’où le pardon descend.

Les mers auront sa tombe, et l’oubli la devance
En vain à Saint-Denis il fit poser d’avance