Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/71

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Un sépulcre de marbre et d’or étincelant.
Le sort n’a pas voulu que de royales ombres
Vissent, en revenant pleurer sous ces murs sombres,
Dormir dans leur tombeau son cadavre insolent.

Six ans après avoir écrit ces beaux vers, il écrira ceux-ci non moins beaux, bien qu’ils disent tout le contraire :

Dors, nous t’irons chercher ; ce jour viendra peut-être,
Car nous t’avons pour Dieu, sans t’avoir eu pour maître ;
Car notre œil s’est mouillé de ton destin fatal ;
Et, sous les trois couleurs, comme sous l’oriflamme,
Nous ne nous pendons pas à cette corde infâme
Qui t’arrache à ton piédestal.

Oh ! va, nous te ferons de belles funérailles !
Peut-être quelque jour nous aurons nos batailles !
Nous en ombragerons ton cercueil respecté ;
Nous y convierons tout : Europe, Afrique, Mie,
Et nous t’amènerons la jeune Poésie
Chantant la jeune Liberté.


Qu’est devenu le cadavre insolent ? A partir de ce moment, la figure de Napoléon le hante, le trouble et l’inspire de plus en plus. Pourquoi ? Parce que Napoléon est l’incarnation de la plus grande gloire à laquelle un homme puisse prétendre. Il faut au poète une gloire pareille à celle de cet homme,

Qui, plus grand que César, plus grand mémé que Rome,
Absorbe dans son sort le sort du genre humain.

Il lui faut une gloire équivalente à celle-là, y compris le martyre si le martyre est nécessaire à la réalisation de cette gloire. Il a d’abord essayé d’effacer cette grande figure de Napoléon du souvenir de la France, mais, puisque ni lui ni personne ne saurait