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POÈMES BARBARES.


Aigles, lions et chiens, et les reptiles souples,
Et l’onagre et le loup, et l’ours et le vautour,
Et l’épais Béhémoth, rugueux comme une tour,
Maudissaient dans leur langue, en se ruant par couples,
Ta ville sombre, Hénokh ! Et pullulaient autour.

Mais dans leurs lits d’airain dormaient les fils des Anges.
Et le grand Cavalier, heurtant les murs, cria :
— Malheur à toi, monceau d’orgueil, Hénokhia !
Ville du Vagabond révolté dans ses langes,
Que le Jaloux, avant les temps, répudia !

Sépulcre du Maudit, la vengeance est prochaine.
La mer se gonfle et gronde, et la bave des eaux
Bien au-dessus des monts va noyer les oiseaux.
L’extermination suprême se déchaîne,
Et du ciel qui s’effondre a rompu les sept sceaux.

La face du désert dira : Qu’est devenue
Hénokhia, semblable au Gelboé pierreux ?
Et l’aigle et le corbeau viendront, disant entre eux :
Où donc se dressait-elle autrefois sous la nue,
La Ville aux murs de fer des géants vigoureux ?

Mais rien ne survivra, pas même ta poussière,
Pas même un de vos os, enfants du meurtrier !
Holà ! J’entends l’abîme impatient crier,
Et le gouffre t’attire, ô race carnassière
De Celui qui ne sut ni fléchir ni prier !