Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
POÈMES BARBARES.

Lui, baigné par la flamme et remuant la queue,
Il dort tout un soleil sous l’immensité bleue.

Mais l’ombre en nappe noire à l’horizon descend,
La fraîcheur de la nuit a refroidi son sang ;
Le vent passe au sommet des herbes ; il s’éveille,
Jette un morne regard au loin, et tend l’oreille.
Le désert est muet. Vers les cours d’eau cachés
Où fleurit le lotus sous les bambous penchés,
Il n’entend point bondir les daims aux jambes grêles,
Ni le troupeau léger des nocturnes gazelles.
Le frisson de la faim creuse son maigre flanc ;
Hérissé, sur soi-même il tourne en grommelant ;
Contre le sol rugueux il s’étire et se traîne,
Flaire l’étroit sentier qui conduit à la plaine,
Et, se levant dans l’herbe avec un bâillement,
Au travers de la nuit miaule tristement.