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POÈMES BARBARES.


Un désir impuissant me consume et m’enlace !
Sous la corne du bœuf, sous le pied de l’ânon,
Je suis comme un lion mort, qu’on outrage en face.

Quand j’ai dit : Je le veux ! un homme m’a dit : Non !
Il vit encor, sans peur que le glaive le touche.
La honte est dans mon cœur, l’opprobre est sur mon nom. —

Tel, le fils de Hamri se ronge sur sa couche.
Ses cheveux dénoués pendent confusément,
Et sa dent furieuse a fait saigner sa bouche.

Auprès du morne Roi paraît en ce moment
La fille d’Eth-Baal, la femme aux noires tresses
De Sidon, grande et belle, et qu’il aime ardemment.

Astarté l’a bercée aux bras de ses prêtresses ;
Elle sait obscurcir la lune et le soleil,
Et courber les lions au joug de ses caresses.

De ses yeux sombres sort l’effluve du sommeil,
Et ceux qu’a terrassés une mort violente
S’agitent à sa voix dans la nuit sans réveil.

Elle approche du lit, majestueuse et lente,
Regarde, et dit : — Qu’a donc mon Seigneur ? Et quel mal
Dompte le cèdre altier comme une faible plante ?