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premières poésies

Ainsi que devant Dieu, plier mes deux genoux ?…
Ô rêves, pour mon cœur maintenant solitaire,
Le bonheur inconstant a déserté la terre,
Et, laissant se flétrir mon primitif amour,
Sur votre aile il a fui vers l’immortel séjour !…

Doux oiseaux, dont l’essaim se nomme poésie,
Vous qui m’avez sevré des gouttes d’ambroisie,
Et qui, portant au loin votre essor gracieux,
À mon regard éteint avez caché les cieux,
Songes jeunes et beaux, rayons lointains de gloire,
Intimes souvenirs que garde ma mémoire,
Espérance, bonheur que je pleure tout bas,
Adieu, tout est fini ;… vous ne reviendrez pas !…
Sur mon joyeux matin le soir jette son ombre ;
Mon riant horizon devient muet et sombre ;
Tout me fuit : ciel natal, doux espoir, frais amour…
Et mon cœur attristé s’est fermé sans retour.

Mélodieuses voix qui chantiez mon aurore !
Extase, amour, génie, ô mes rêves perdus,
Ô mes rêves si doux, reviendrez-vous encore ?…
Essaims éblouissants, qu’êtes-vous devenus ?…


Le jeune homme en question, mon cher Ami, lors d’un petit voyage qu’il fit à Rennes, entrevit sur ma table ces quelques vers et me pria de les lui donner, ce que je ne pouvais