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Que la nuit rencontrait au fond des bois errant,
Ou sur la mousse épaisse, aux rives d’un torrent.
Pour les hommes de marque, en mensonges féconde,
Cette langue sans corps, cette voix vagabonde,
La Renommée, enfin, répandait sur ses jours
Des bruits si singuliers qu’on les croyait toujours.
On contait qu’enrichi de sombres découvertes,
Il rappelait les morts dans leurs tombes désertes,
Et savait les secrets de l’enfer consulté.
On disait qu’aux accens du tonnerre irrité,
Au bruit du flot qui gronde, et ronge son rivage,
Il accordait sa voix et sa lyre sauvage ;
Et que ses vers, empreints du tumulte des camps,
Se révélaient à lui sur le front des volcans.
Comme l’oiseau frappé d’un effroi léthargique
Ne peut fuir du serpent le prestige magique,
Chacun, sous son regard, se sentait tressaillir ;
Des éclairs accablans avaient l’air d’en jaillir.
Quiconque avait, un jour, pu le voir ou l’entendre,
De son long souvenir ne pouvait se défendre ;