Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/121

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L’auréole remonte à sa tête proscrite :
Notre morne horizon devient limpide et clair.
Éveillé par sa mort, le passé ressuscite,
Et chaque pleur qui tombe en rallume un éclair.

Dieu fit fructifier trop long-temps nos semailles :
Il fallait, tôt ou tard, expier ces succès,
Et porter, comme un deuil, son titre de Français.
Nos drapeaux, consacrés par tant de funérailles,
De l’Europe vingt fois avaient vu les enfants
Défiler, chapeau bas, sous leurs plis triomphants ;
Mais l’aigle, constamment vers le pôle élancée,
Se lasse : et désormais incapable des airs,
Sous le ciel du Volga sa chute commencée
S’en va de l’Atlantique effrayer les déserts.

Celui qui mania, vingt-cinq ans, la tempête,
Du naufrage de l’aigle a partagé l’affront.
A ses pieds de soldat fiers de prêter leur front,
Ses sujets couronnés ont redressé la tête.
Une même révolte arme tous les vaincus :
Le monde s’affranchit, et, comme Spartacus,
Avec ses bras d’esclave enchaîne la victoire.
Pris enfin, comme hier il avait pris les rois,
Le conquérant, cloué sur un vil promontoire,
Demande à Dieu son ciel ; il a déjà sa croix.