Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/133

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Assassin de ma mère, achève ta conquête,
Et finis de payer ta dette avec ma tête.
Tu ne t’en souviens plus de ma mère ! mais, moi,
Je n’ai pas oublié qu’il me faut, grâce à toi,
Porter sur mon front d’homme une tache d’enfance.
J’ai failli ! c’est ta faute : offense pour offense.
Je devais me venger, et je ne sais pas bien,
Si je fus ton rival, ou si tu fus le mien.
J’ai séduit ta compagne ! et pourquoi ta vieillesse,
La voyant par son père offerte à ma tendresse,
Et m’opposant ton crime, à qui je dois le jour,
M’a-t-elle ôté mon bien, sans m’ôter mon amour ?
J’étais d’un noble hymen exclu par mon lignage !
Demande aux ennemis, qui bravaient ton grand âge,
S’ils m’ont trouvé trop vil, pour leur donner la mort.
Du crime d’être né suis-je comptable au sort ?
Ton rang m’est interdit ! Je le sais : mais l’histoire,
Près de tes princes d’Est inscrirait ma mémoire,
Si je vivais ; et seul, me fondant ma maison,
Je n’aurais, pas plus qu’eux, de barre à mon blason.
Mon casque s’est montré, sur la route guerrière,
Plus beau que ceux des tiens de sang et de poussière :
Mes éperons d’airain piquaient mieux mon coursier,
Que vos mollettes d’or, vos étoiles d’acier,
Quand, cherchant les combats comme des jours de fête,
J’allais, chez tes rivaux, promener la défaite :
Et quand, suivant ton nom comme un drapeau vivant,
La victoire, avec moi, galopait en avant,