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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/152

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Mais, soit que sa lenteur le fît croire impossible,
Soit que souvent aveugle au mal le plus visible,
L’homme espère le bien le plus inespéré,
J’ai vu qu’à son départ j’étais mal préparé.
Eh ! qui peut en effet, sans d’incroyables peines,
Sentir se dénouer les plus étroites chaînes,
Et, lorsqu’on peut douter de l’asile des cieux,
Résigner son courage à ces derniers adieux ?
Quel fardeau pour le cœur qu’une si longue absence !
La mort est-elle bien la fin de la naissance ?
A partir du tombeau, s’ouvre-t-il des chemins,
Qui mènent au bonheur, tant cherché des humains,
Le bonheur, ce repos d’une longue souffrance ?
Ah ! quel que soit le sort qu’invente l’espérance,
Que la mort soit, ou non, le terme de n’os jours,
Il n’en est pas moins vrai qu’on nous attend toujours.
Quand nous avons franchi la dernière frontière,
Dans un monde imprévu, comme dans la poussière,
Peut-être au nom qu’on pleure on réunit son nom !
On se retrouve enfin ; mais se reconnaît-on ?
Toujours peut-être. Hélas ! avant l’heure suprême,
Ne perd-on pas souvent les êtres que l’on aime ?
Et comment reconnaître, au delà du trépas,
Ceux que, pendant leur vie, on ne reconnaît pas ?

Ma mère, elle était jeune : et voyez, quel orage
A passé sur son front, qui se courbe avant l’âge !