Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/202

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Je ne crois pas en lui, pas plus qu’à l’espérance.
Est-ce excès de savoir, d’orgueil, ou d’ignorance ?
Je ne sais ; mais je souffre et suis las de souffrir ;
Si la religion pouvait me secourir !
Toujours à mon vaisseau l’Océan fut sévère :
Si je jetais une ancre aux graviers du Calvaire !
Peut-être y tiendrait-elle : et peut-être, arrêté,
Pourrai-je prier Dieu, quand je l’aurai chanté.
Ma paupière sceptique est sans doute bien sombre,
Et, profane, aura peine à s’échapper de l’ombre :
Je vais même peut-être, en quittant ces brouillards,
Porter sur le soleil d’hérétiques regards !
Mais non : qui peut se perdre en ces pieuses voies ?
Si j’estime à leur prix ce que valent nos joies,
N’en sais-je pas assez pour élever mes mains
Vers celui dont le sang baptisa les humains ?

III.
Et quel est-il, ce Dieu, que la croix nous impose ?
Est-ce un fantôme d’homme à son apothéose,
Ou l’être incorporel, qui tira tout de rien ?
Qu’importe, si son nom nous fait faire le bien !
Jésus-Christ, ne fùt-il que le fils d’une femme,
Adroit, par son supplice, aux temples qu’il réclame :
Et, conquérant du ciel, dont nous sommes jaloux,
Il s’est, dans sa conquête, attaché par nos clous.