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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/213

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Mon œil ne peut suffire à compter les tableaux,
Que le pinceau du vent esquisse sur les eaux.

L’aquilon sans fureur se débat dans nos voiles,
Et le jour nous promet de faciles étoiles ;
Mais, comme un fer rougi, le disque du couchant
Fait grincer tout à coup la mer, en s’y penchant :
Resserrant l’horizon, tout à l’heure si large,
Le ciel, sale et cuivré, de ténèbres se charge :
La nuit vient. L’ouragan, qui s’empare des airs,
Roule en monts convulsifs les humides déserts,
Et sonne, autour de nous, les lesses du naufrage.
Le navire, battu par le fouet de l’orage,
Sur les flots qu’il gravit se courbe humilié :
Et la mort avec lui, spectre multiplié,
La mort, dressant partout sa laideur implacable,
Pose sur chacun d’eux un pied infatigable.

Que je l’aimais alors, celle que je fuyais !
Je rêvais son amour : j’y rêvais, j’y croyais ;
Je lui prêtais des pleurs pour en parer ses charmes,
Et comme un avenir j’entrevoyais ces larmes.
Je la voyais de loin, pâle de mon péril,
Supplier le banni d’abréger son exil,
Et rouvrir au bonheur un foyer charitable.
Moi qui trouvais la vie un bien insupportable,
Prêt à perdre ses maux, je m’y sens rattacher.