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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/214

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Mes songes d’autrefois, prompts à se rapprocher,
Viennent tous, un pur un, affliger ma mémoire.
Expirer inconnu, quand on chérit la gloire :
Tomber sans se défendre, et sans qu’un seul coupd’œil
Vienne, sur nos dangers, chatouiller notre orgueil :
N’avoir aucun écho dans aucune parole :
Ne pas voir d’un ami la douleur qui console,
Quand on voudrait, sur lui s’appuyant pour mourir,
Lui confier son nom, qui n’a pas pu fleurir !
C’est plus que de quitter malgré soi la lumière :
C’est se sentir clouer tout vivant dans sa bière.

Je n’en suivais pas moins, d’un œil sombre et fervent,
Le duel acharné du navire et du vent.
Ce combat corps à corps du chaos avec l’homme,
Un bruit, qu’aucune langue, aucun effroi ne nomme,
Dans un monde inconnu m’instruisaient à plonger :
Je le voyais surgir au delà du danger.
Le tonnerre sans fin, rugissant dans la pluie,
Trouait de tous ses dards un firmament de suie,
Et, les vagues au loin se renvoyant l’éclair,
On eût dit que la foudre incendiait la mer.
Debout sur le tillac, j’admirais ce tumulte,
Et, pour noyer le ciel, l’onde grossed’insulte.
Perdu sur un désert révolté contre nous,
J’aimais du matelot, qui tremblait à genoux,
Les vœux plaintifs jetés à travers la tempête,