Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et, sur l’émail plissé de leur mouvant rideau,
Les ombres détachaient le temple du coteau.
Transparente et mouillée, une gaze d’ébène
Déroulait mollement sa fraîcheur dans la plaine :
La luciole en feu brillait sous le gazon,
Comme un astre inquiet tombé de l’horizon :
Du fonds des rameaux bruns les lentes tourterelles
Mêlaient leurs chants rêveurs au bruit des cascatelles,
Et la lune de loin jetait, en voyageant,
Sur le tapis des eaux ses rosaces d’argent.
Eh ! que se disaient-ils, dans leur langue divine,
Ces jeunes pèlerins de la ville latine ?
Il est si doux d’aimer, quand la terre est sans voix,
Et de rêver à deux sous le dôme des bois,
Et de sentir l’amour, enivré d’indolence,
De parole en parole inspirer le silence !
On ne se parle plus, mais on se comprend mieux :
Comme si l’on voyait, on se cherche des yeux,
Et, sans se rencontrer, les regards se devinent.
Faut-il, comme le jour, que les ombres déclinent !
Proscrit, oh ! que de fois je me suis raconté
Mes nuits d’enchantement, ces belles nuits d’été,
Où seuls, près des ruisseaux qui baisaient nos prairies,
Les bras entrelacés, comme nos rêveries,
Nous allions, elle et moi, ne parler que de nous,
Elle, inventer l’espoir : moi, l’entendre à genoux ;
Où nous pensions n’avoir qu’une même tendresse,
Et nous aimer toujours, en le disant sans cesse !