Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/282

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Et plaindra les malheurs dont elle rit encor.
Je prévois sa pitié : mais ce futur trésor,
Un autre en bénira l’amoureuse richesse ;
Cette femme, en courant, emporte ma jeunesse,
Et ne me rendra pas les printemps que je perds
Voyez-la, dans sa course incrédule aux hivers,
Essayer les sentiers qui s’ouvrent devant elle,
Cueillir toutes les fleurs, effeuiller la plus belle,
Sans jouir des bouquets, respirer leur parfum,
Et, les choisissant tous, n’en préférer aucun !
Brillante d’inconstance, et surtout de caprices,
Aimant d’un bal joyeux les bruyantes délices,
L’entendez-vous vanter ces ravissantes voix,
Qui soupirent, le soir, dans le désert des bois !
N’est-elle pas semblable à l’esprit des fontaines,
Dont l’onde aventureuse a traversé les plaines,
Bondi sur les cailloux, caressé les gazons,
Du pêcheur ou du pâtre écouté les chansons,
Béfléchi dans son cours l’églantier du rivage,
Ou d’un baiser qui passe effleuré son feuillage :
Et qui vient, sous le marbre, au milieu des cités,
Emprisonner l’éclat de ses flots argentés1 ?
Oui, telle est cette enfant que j’aime, et qui m’évite.
Fuyez, vous qu’un regard à ses genoux invite ;
Fuyez si, respirant un charme suborneur,
Sa voix, sans y penser, vous promet le bonheur.
De l’amour sur ses sens n’éprouvez point la flamme :
C’est risquer son repos, pour lui donner une âme.