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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/320

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Tu m’as vu te jeter les glaïeuls de tes bords,
Et, comme leurs bouquets, laisser fuir mes accords !
Tu m’auras vu souvent, sur l’herbe de tes rives,
Égarer, vers le soir, mes traces fugitives :
Crédule à l’avenir, sans croire au lendemain,
Cueillir, comme un enfant, les bluets du chemin :
Et plus enfant peut-être, avec moins d’ignorance,
Dans une marguerite épier l’espérance :
Muse humide des eaux, tu ne m’y verras plus ;
Bientôt, demain, ce soir, mes pas irrésolus
Auront fui, vers la Seine et ses ondes royales,
Le cours indépendant de tes eaux pastorales.

Aux peupliers tremblants, qui doivent le cacher,
Quand la nuit confondra l’immobile clocher,
Tu ne me verras plus, regagnant ma demeure,
M’arrêter, attentif au bruit lointain de l’heure :
Confier au zéphyr, égaré dans les airs,
Ces noms dont le parfum s’imbibe dans nos vers :
Sur le bord de la route, assis dans la rosée,
La tête sur ma main nonchalamment posée,
Redescendre mes jours troublés par tant de soin :
Et m’appuyant sur eux pour m’élancer plus loin,
A travers les vapeurs d’un espoir qui décline,
Chercher quel avenir le présent me destine,
Comme je veux souvent, de mes plus longs regards,
Deviner une étoile à travers les brouillards.