Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Oh ! non, je pars. L’automne, en ramenant la bise,
Des bois chauves déjà courbe la tête grise,
Et balaie avec eux mes jours secs et flétris :
Avant le jour des morts, les voilà défleuris.

Humble et discret hameau, pacifique royaume,
Où mes six mois de règne ont dormi sous le chaume,
Tu n’apaiseras plus ce cœur sombre et vaincu.
Qu’un autre aille habiter les champs où j’ai vécu !
Moi, je ne dois plus voir ce rustique Élysée,
Son torrent qui courait sous sa voûte boisée,
Les étoiles d’azur qui tremblaient dans ses blés,
Ou de mes sentiers verts les buissons crénelés.
J’avais promis pourtant de chanter cet asile,
Et ce nouvel Éden, comme l’autre fragile,
Ses fleurs et ses oiseaux, dont le chœur matinal
Animait des forêts le cloître végétal :
Mais quelle est la promesse, hélas ! qu’on se rappelle,
Ou qui, sortant de l’âme, en échappe immortelle’?
Et puis, ses souvenirs, à qui les dédier ?
Dans ce monde, si prompt à tout répudier,
Que faire, et que peut-on faire de sa mémoire ?
Quandon a cru long temps ce qu’on ne peut pluscroire,
Il faut cacher sa vie et voiler son flambeau :
Le silence du cœur est son premier tombeau.