Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/322

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Demain je serai loin : demain, loin de ces plaines,
J’aurai, dans le tumulte, emprisonné mes peines.
Adieu pays que j’aime, et que je quitte, hélas !
Comme on quitte toujours ce qu’on aime ici-bas.
Où chercherai-je ailleurs, sous un modeste gîte,
Près des rideaux de fleurs, que le bouvreuil agite,
Ces loisirs occupés, l’un de l’autre rivaux,
Ce désir inquiet, qui soutient nos travaux,
Et ce vague pouvoir, que prête la tristesse,
D’affaiblir ses chagrins, en y songeant sans cesse ?
Je n’oublirai jamais (qui pourrait l’oublier ? )
De tes bois si rêveurs le temple familier,
Et tes eaux, dont, le soir, les flottantes allées
Balançaient le sommeil de deux âmes mêlées.
Mais toi, quel souvenir garderas-tu de moi,
Moi, qui laisse, en partant, mon bonheur avec toi ?
Ces beaux champs, quel sillon ma vie y laisse-t elle ?
De nos pas, quels qu’ils soient, le vestige infidèle,
Sur l’herbe ou sur le sable est si vite effacé !
Qui se souvient de nous, quand nous avons passé ?

Qui jamais dans la mousse, ou le gazon des grèves,
Pour les finir un jour, retrouvera mes rêves ?
Vous, qu’avant de partir je ne veux pas revoir,
Adieu ! roi détrôné, j’abdique mon manoir.
Du réduit, qu’avec moi vint habiter l’étude,
L’amour a dépeuplé l’active solitude :