Aller au contenu

Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et je reprends des cieux la lecture escarpée,
Bible de l’infini, radieuse épopée,
Écrite dans l’espace en lettres d’univers,
Dont nul esprit vivant ne peut traduire un vers.
Il me semble parfois, dans ces sphères nomades,
Voir revivre, affranchis de nos tristes parades,
Tous ces peuples éteints qu’elles ont éclairés,
Et passer, avec eux, comme eux régénérés,
Ces empires détruits et ces races de villes,
Qui n’ont fait qu’arranger un nid pour des reptiles ;
Catacombes de feu, roulant des nations,
Les ombres du passé flottent dans leurs rayons :
Et notre œil, sans saisir une forme certaine,
D’astre en astre élancé, sonde l’histoire humaine.

Quelquefois je me perds en ces larges bassins,
Où des morts réveillés se poussent les essaims.
J’ajoute l’avenir au passé qui s’écoule :
Et, de deux infinis ayant mêlé la foule,
Ivre, ne sachant plus à quel puissant créneau
Rattacher cette chaîne, et son dernier anneau,
Je la quitte, et reviens sur la terre, où nous sommes,
Délivrer mon esprit du souvenir des hommes ;
Et je n’ai pas besoin d’efforts pour m’y plier :
Leur histoire m’apprend à les mieux oublier.
J’y renonce : et mon âme, avec béatitude,
Rentre en Dieu par l’amour et par la solitude.