Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/375

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Pensant avoir appris ce qu’il doit vous apprendre,
Renoncer au voyage, avant de l’entreprendre !

Confident de la nuit, moi qui me suis vanté
D’entrevoir l’avenir, au moins de mon côté,
Je ne puis, direz vous, croire aux biens que j’avance,
Et ma crédulité dément ma prévoyance !
Peut-être : mais pourquoi fermerais-je les yeux,
Lorsque l’Illusion, autrefois sœur des Dieux,
S’en vient, de l’Espérance agile avant-courrière,
Semer de toutes parts ses berceaux de lumière,
Ses colonnades d’or, ses temples de cristal,
Et de ses châteaux d’air le luxe oriental ?
La vie est comme un fleuve, où notre âme féconde
Peut, comme des bouquets qui parfument son onde,
Jeter un songe heureux, qui passe, en nous suivant.
Pourquoi ne pas rêver, si l’on vit en rêvant ?
Tendons, tendons la voile au souffle qui l’appelle !
Permis à l’aquilon d’emporter ma nacelle,
Si je puis, un moment, du zéphyr caressé,
M’endormir, sur la vague, humidement bercé,
Surprendre au nid des mers une perle furtive,
Ou couronner mes mâts des glaïeuls de la rive !
Qui cherche à tout prévoir n’ose rien affronter :
Je veux jouir de tout, sauf à tout regretter.
Qu’un volcan, s’il lefaut, m’ouvreau cœur son cratère :
Qu’il batte torturé, plutôt que de se taire !